Devenir des dossiers médicaux

Que faire des dossiers médicaux ?

Le devenir des dossiers médicaux des medecins partant à la retraite est un problème crucial.
Depuis quelques années beaucoup de cabinets médicaux ferment sans trouver de successeur.
Cette situation va devenir de plus en plus problèmatique à l'approche immédiate du départ des baby-boomers. 
 

Devenir des dossiers médicaux d'un médecin cessant ou ayant cessé toute activité

La cessation d’activité d’un médecin pour :

  • retraite
  • indisponibilité : maladie, invalidité, article L. 460, radiation (remplacé ou non)
  • changement d’activité : médecine salariée … ou activité non médicale
  • décès

ne doit en aucune manière altérer la communication indispensable des éléments transmissibles du dossier médical dont il faut souligner l’importance, non seulement de son contenu propre à chaque patient mais aussi au regard de la continuité des soins, dans l’intérêt des patients comme des ayants droit.
Cette disposition doit permettre de faciliter le traitement des malades qui sont privés parfois inopinément de leur médecin et le libre choix des patients qui peuvent désigner le médecin chargé de la continuité des soins.
 

Rappel des textes

Loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée le 1er juillet 1994 :

doivent être prises “toutes précautions utiles afin de préserver la sécurité des informations et notamment d’empêcher qu’elles ne soient déformées, endommagées ou communiquées à des tiers non autorisés.” (article 29) “lorsque l’exercice du droit d’accès s’applique à des informations à caractère médical, celles-ci ne peuvent être communiquées à l’intéressé que par l’intermédiaire d’un médecin qu’il désigne à cet effet.” (article 40)


Code de déontologie

Article 45 : Indépendamment du dossier de suivi médical prévu par la loi, le médecin doit tenir pour chaque patient une fiche d’observation qui lui est personnelle ; cette fiche est confidentielle et comporte les éléments actualisés, nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques. Dans tous les cas, ces documents sont conservés sous la responsabilité du médecin.Tout médecin doit, à la demande du patient ou avec son consentement, transmettre aux médecins qui participent à sa prise en charge ou à ceux qu’il entend consulter, les informations et documents utiles à la continuité des soins. Il en va de même lorsque le patient porte son choix sur un autre médecin traitant.

Article 46 : Lorsque la loi prévoit qu’un patient peut avoir accès à son dossier par l’intermédiaire d’un médecin, celui-ci doit remplir cette mission d’intermédiaire en tenant compte des seuls intérêts du patient et se récuser si les siens sont en jeu.

Article 73 : Le médecin doit protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux concernant les personnes qu’il a soignées ou examinées, quels que soient le contenu et le support de ces documents. Il en va de même des informations médicales dont il peut être le détenteur. Le médecin doit faire en sorte, lorsqu’il utilise son expérience ou ses documents à des fins de publication scientifique ou d’enseignement, que l’identification des personnes ne soit pas possible. A défaut, leur accord doit être obtenu.

Article 96 : Sous réserve des dispositions applicables aux établissements de santé, les dossiers médicaux sont conservés sous la responsabilité du médecin qui les a établis.

Article 111 : Tout médecin qui modifie ses conditions d’exercice ou cesse d’exercer est tenu d’en avertir le Conseil départemental. Celui-ci prend acte de ces modifications et en informe le Conseil national.
 

Conditions de la communication des dossiers

La communication des éléments du dossier d’un patient s’effectue par l’intermédiaire d’un médecin désigné par le patient ou son représentant légal ou ses ayants droit en cas de décès, et dans ce dernier cas encore faut-il que le demandeur fasse la preuve qu’il est concerné par le document et qu’il établisse sa qualité d’ayant droit (Cf. rapport du Pr Bernard Hoerni “ rôle du médecin intermédiaire dans l'accès à un dossier médical ”, Conseil national, juillet 1997).

Tout médecin, généraliste ou spécialiste, régulièrement inscrit au tableau de l’Ordre, peut être désigné par un patient, en sachant que :
- un médecin, agissant en qualité de patient, de représentant légal ou d’ayant droit, ne peut se désigner lui même pour recevoir communication du dossier : CADA (Commission d'accès aux documents administratifs), 23 juillet 1992
- un médecin peut toujours se récuser, sans avoir à se justifier, dans le cas d’une situation l’exposant à une confusion (médecin expert,membre de la famille) en suggérant un autre médecin selon les souhaits du patient ou des ayants droit.

L’importance du dossier médical apparaît lors de sa transmission car il s’agit véritablement de la gestion d’informations, portant sur des éléments sensibles :

  • le secret professionnel et tout aspect de confidentialité
  • la continuité des soins
  • le contenu du dossier : éléments de preuves en responsabilité
  • le libre choix du patient lesquels justifient l’obligation de la conservation des dossiers parce que ceux-ci représentent la biographie du patient, à un moment de sa vie.

Il est recommandé de ne pas transmettre les notes “ personnelles ” du médecin responsable du dossier d’un patient : notes concernant principalement des tiers : famille, amis ... le milieu de travail, la vie sentimentale, les maladies héréditaires ou contagieuses, tout ce que le médecin aurait pu comprendre ou interpréter des confidences du patient...etc.

Ne laisser que les éléments indispensables à la continuité des soins ou pour la défense des ayants droit en cas de plainte ultérieure, conformément à l’obligation de conserver les dossiers sachant que les actions en responsabilité se prescrivent par 30ans (plus la durée restant à courir après la majorité pour les enfants) en matière civile et par 3 ans en matière pénale, ce qui justifie, faut-il le rappeler, la nécessité d’une assurance professionnelle souscrite par le médecin.

Certains dossiers correspondant à des disciplines particulières : pédiatrie, stomatologie, rhumatologie et neurologie, exigent une conservation plus étendue qui va jusqu'à 70 ans, la date de conservation en anatomopathologie est limitée à 10 ans pour les blocs et les lames, celle des dossiers de maladies héréditaires et génétiques est illimitée. Il faut savoir également que les dossiers de pharmacovigilance, matériovigilance, hémovigilance doivent être conservés pendant 40 ans ainsi que les éléments de la traçabilité transfusionnelle.

Enfin la communication des courriers échangés entre médecins ne peut être systématique, à l’exception, dans l’intérêt du patient, des comptes rendus radiologique, chirurgical ... établi par un confrère. On ne saurait non plus ignorer la situation des médecins hospitaliers qui ont une clientèle privée et dont il importe de connaître le devenir des dossiers.

Dans les cabinets de groupe, le fichier est bien souvent commun, mais un patient peut exiger qu’un seul médecin du groupe connaisse son dossier . Des dispositions contractuelles doivent être établies, afin que la transmission d’un dossier puisse être réglée, sans conflit et surtout dans l’intérêt des patients. En cas de fermeture d’un centre de soins, le décret du 30 mars 1992 (article R. 710-2-10 du code de la santé publique) prévoit : “ Lorsqu'un établissement de santé privé ne participant pas à l'exécution du service public hospitalier cesse ses activités, les dossiers médicaux, sous réserve des tris nécessaires, peuvent faire l'objet d'un don à un service public d'archives, par voie contractuelle entre le directeur de l'établissement et l'autorité administrative compétente. ”

La communication du dossier d’un proche décédé ne peut avoir lieu que si :

  • son médecin traitant n’estime pas cette communication impossible au vu des secrets dont il est le dépositaire
  • l’information ne concerne pas un tiers qui doit être protégé
  • le demandeur établit sa qualité d’ayant droit.

Un patient peut exiger la destruction de son dossier médical de son vivant : avant de procéder à cette exigence, il convient d’informer celui-ci des conséquences possibles en cas de recours éventuel, cette situation exige tout de même que le médecin établisse un procès-verbal et garde une “ trace ” sous forme de résumé, à plus forte raison après décès du patient. Cette situation sera également signalée aux ayants droit si, par disposition testamentaire, le patient a demandé la destruction de son dossier. La suppression des informations médicales d’un dossier efface à jamais la possibilité de recours en cas de litige ou de droit à indemnisation et dans ce cas il importe également d’établir un procès-verbal de destruction de dossier qui sera communiqué éventuellement aux ayants droit. Il est non moins important de rappeler que le secret professionnel n’est pas aboli après le décès du patient et qu’il est indispensable et prudent de préserver vis-à-vis de la famille et des proches les secrets les plus intimes du patient décédé et tout élément diagnostique susceptible de nuire à sa mémoire.

Le dossier informatisé : c’est une situation qui, à terme, posera problème et qui mérite dès maintenant d’être étudiée. Cette situation consisterait à l’avenir et compte tenu du développement inévitable du système de santé, à proposer la possibilité de recourir à des tiers de confiance - solution préconisée déjà il y a 5 ans, pour préserver “ la confidentialité des données médicales nominatives ”. A tous les médecins qui garderaient leurs dossiers sur support informatique avec des codes d’accès, il était conseillé, par prudence, de déposer ces codes sous enveloppe cachetée au Conseil départemental (Mme le Pr Dusserre). S’il est incontestable que l’Ordre puisse se porter garant de ces clefs d’accès, cela ne signifie nullement qu’il détiendrait les données mais, en cas de problème pour assurer la pérennité et le suivi des soins, cela lui permettrait d’être le garant des clefs et le “ tiers de confiance ”. Si cette solution devait être retenue, il est nécessaire de prévoir une large diffusion à l’attention des médecins.
 

Cessation d'activité

1. Le médecin cesse toute activité transitoirement : il lui incombe d’informer sa clientèle des conditions prévues à son remplacement : durée de son indisponibilité, coordonnées de son remplaçant sur place ou d’un confrère de la localité, ceci sous forme d’information publique d’annonce dans la presse locale et au lieu du cabinet médical : les dossiers médicaux demeurent à la disposition du remplaçant ou du médecin choisi par tout patient qui en fait la demande.

2. Le médecin cesse toute activité définitivement : les conditions d’information doivent prévoir :

  • les coordonnées du successeur éventuel, au lieu du cabinet médical habituel ou dans la proximité
  • ou les coordonnées d’un médecin installé dans la commune - avec son accord ou mieux par contrat - et cela suivant les modalités fixées comme précédemment
  • si possible également par lettre personnelle à la clientèle afin que les patients puissent éventuellement prévoir la demande de transfert de leur dossier, en précisant les coordonnées du médecin de leur choix.
  • Il peut assurer la répartition des dossiers entre son successeur et d’autres médecins désignés pas ses patients, éventuellement aussi, il peut être aidé dans cette répartition par son successeur attitré qui assurera l’exécution de la demande des patients.
  • Lorsqu’aucun médecin n’est prévu pour assurer la continuité des soins, le médecin en cessation d’activité définitive doit impérativement conserver les dossiers médicaux de ses patients de façon à pouvoir répondre à toute sollicitation d’un patient désirant que son dossier le concernant soit transmis au praticien qu’il aura désigné.

3. Le médecin est décédé ou devient brutalement indisponible (maladie, hospitalisation) :

a) la famille du médecin décédé présente la clientèle à un médecin qui s’installe au lieu du cabinet médical existant ou dans la proximité

b) la famille du médecin décédé présente la clientèle à un médecin déjà installé dans la commune, lequel devient par contrat le médecin successeur.

Dans les deux cas, il est souhaitable que la famille du médecin décédé informe la clientèle

  • lettre personnalisée si possible et information sous forme d’annonce publique dans la presse locale
  • des conditions de continuité d’activité du cabinet médical en précisant (conformément aux termes prévus dans le contrat de cession) que les dossiers des patients sont mis à la disposition du médecin qui en prend possession, lequel s’engage également à transmettre le cas échéant et sans délai, tout dossier d’un patient qui en ferait la demande, au médecin désigné par ce patient, conformément à l’article 6 du code de déontologie: le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de choisir librement son médecin. Il doit lui faciliter l’exercice de ce droit.

c) il n’y a pas de présentation à clientèle :
la famille a quitté les lieux ou refuse de se charger de la garde des dossiers, le médecin décédé n’a pas d’héritiers, ou est hospitalisé (psychiatrie) sans héritiers. Il n’en demeure pas moins que les dossiers médicaux doivent être protégés contre toute indiscrétion à l’égard de tiers non médecins, y compris la famille, qu’ils ne sauraient être transmis à qui que ce soit sans le consentement des patients, et que s’il est difficile de les confier au Conseil départemental auprès duquel le médecin décédé était inscrit, il est également impossible de les confier à un service public départemental d’archives, lequel n’est pas tenu de recevoir des archives médicales.

Dans ces conditions,qui malheureusement deviennent de plus en plus fréquentes au travers d'une démographie médicale problématique, le Conseil départemental reste l’intermédiaire obligé, dans le souci de l’intérêt public et du respect de la confidentialité des données nominatives, pour gérer toute demande de transmission d’un dossier au médecin désigné par un patient. En effet, c’est au Conseil départemental de l’Ordre des médecins, garant de la déontologie et de la solidarité confraternelle, qu’incombe la responsabilité d’assurer le relais et d’épauler les médecins et leurs familles.